Spectres et survies de Derrida

Version longue de la tribune intitulée « Spectres de Derrida » (écrite pour « Politis ») qui reprend aussi une partie du chapitre « Jacques Derrida et le messianisme sans Messie » de Résistances. Essais de taupologie générale" (Fayard, Paris 2001).

Jacques Derrida a la réputation d’un auteur difficile, voire élitiste. Curieusement, j’ai plutôt gardé de ses interventions orales, de ses entretiens, et d’une large part de son œuvre une impression de grande clarté. Ce qui passe souvent pour de l’obscurité, c’est plutôt un souci rigoureux de l’expression et du style, un respect scrupuleux de la nuance et de la complexité, non comme ornement littéraire, mais comme un cheminement sur une étroite ligne de crête, entre littérature et travail du concept. Car Derrida était d’abord un extraordinaire maître de lecture, aux antipodes des méthodes rapides d’une époque pressée, attentif à la pluralité du sens et acharné à ouvrir de nouveaux espaces d’interprétation sans renoncer à la fidélité infidèle au texte.


Son allure princière, confinant parfois au dandysme, pouvait passer pour de la coquetterie. Elle traduisait surtout le raffinement et l’élégance de cette pensée décalée, décentrée, à cheval sur les frontières, à l’image de cette figure du marrane [*] qui le fascinait.

Il faudra sans doute du temps pour assimiler l’apport d’une œuvre foisonnante traitant - entre autres -de la philosophie, de l’écriture, du pardon, de l’hospitalité, de la spectralité - Derrida opposait ce qu’il appelait avec une pointe d’humour « l’hantologie » à l’ontologie des métaphysiques traditionnelles, de l’événement ou de la décision. Elle interroge notamment avec insistance la problématicité de l’héritage comme affirmation active et non comme ce que l’on reçoit de droit. Au cours de ces dix dernières années, ce questionnement s’est notamment appliqué à son rapport au « nom propre de Marx » et au marxisme, comme si la chute des orthodoxies de parti et d’Etat l’avaient libéré d’une réserve et d’un retrait.

C’est cet exemple que nous retiendrons de sa démarche.

Lors d’un colloque organisé à la fin des années 90 autour des Spectres de Marx (livre paru en 1993), Derrida dut répondre aux interpellations de divers critiques, dont Tony Negri, Fredric Jameson, Aijaz Ahmad (parmi d’autres). Celle du brillant critique marxiste britannique Terry Eagleton ne le ménagea pas. Oscillant entre un discours prudemment réformiste et une parole extatiquement ultra-gauche, la déconstruction selon Derrida relevait à ses yeux d’une « perversité adolescente » aboutissant à « un marxime sans marxisme » (ironie sur l’usage du « sans » dans l’œuvre derridienne) ou à un « formalisme messianique vide ».

Courtoise, la réponse de Derrida à la charge de ses contradicteurs n’en est pas moins cinglante (elle est parue en français sous le titre Marx & Sons » dans la collection Actuel Marx, PUF).

Les Spectres étaient d’abord « un livre sur l’héritage », sur ce qu’hériter peut, non point vouloir dire de manière non-équivoque, mais enjoint de manière souvent contradictoire : Il s’agirait ainsi de repolitiser un certain héritage de Marx après les désastres politiques et théoriques du siècle écoulé. Ceux qui se sentent troublés par le propos de sur Marx, n’est-ce point précisément parce qu’ils se concevraient comme des propriétaires dépossédés de leur héritage ? « Encore un effort, camarades, les exorte Derrida, pour penser au-dessus de la « propriétalité ! »

Dans tous mes textes, du moins des 25 dernières années, « je n’ai jamais engagé de bataille contre le marxisme ou les marxistes », rappelle Derrida. En revanche, il interpelle ses détracteurs au présent : « Qu’est-ce que le Marxisme ? [...] Qui est autorisé à dire nous ? Nous marxistes ? ». Les Spectres déplairaient au premier chef à ces « marxistes » « installés dans leur position de propriétaires ». Or, qui peut encore proclamer avec certitude : « Je suis un Marxiste « ?

A Eagleton qui demande où était Derrida lorsqu’on avait besoin de lui, au temps du stalinisme triomphant, le philosophe réplique en récusant la confusion entre le contretemps et l’accusation d’o pportunisme. On ne peut à la fois lui reprocher son opportunisme d’hier et lui reprocher aujourd’hui d’aller à contre-courant pour exploiter une certaine vogue du marxisme comme dissidence. Un tel opportuniste ferait preuve d’un bien piètre sens de l’opportunité ! Parmi les réserves qui, dans les années 60, l’auraient tenu à l’écart de l’engagement communiste, Derrida indique dans un beau texte sur Althusser les nombreuses questions lui paraissaient alors escamotées, « notamment celles concernant l’historicité ou le concept de l’histoire » : « Je trouvais qu’Althusser soustrayait trop rapidement certaines choses à l’histoire, par exemple en affirmant que l’idéologie n’a pas d’histoire. Je n’entendais pas renoncer à l’histoire. La destruction du concept métaphysique d’histoire ne signifie pas pour moi qu’il n’y a pas d’histoire [1]. » Pour Derrida, le concept d’idéologie a une histoire liée à celle du sens commun. C’est dans cette trame du temps historique que la question de l’événement s’associe à celle du fantôme : « Une logique du fantôme fait signe vers une pensée de l’événement », alors que, selon les propres termes de Marx, une « histoire sans événement » se réduit aux vérités sans passion et aux passions sans vérité de héros sans héroïsme : « Ce qui interrompt l’ordre du temps, ce qu’on appelle révolution, cette césure qui vient tout d’un coup déranger l’ordre du temps », c’est elle qui donne le tempo et le ton de l’histoire, ce qui fait l’historicité même, dans un jeu d’apparitions et de disparitions messianiques. Question de temps à nouveau. Marx se révèle en effet comme un virtuose de « l’anachronie rythmée ». Il sait « prendre le pouls de l’histoire » et écouter sa « fréquence révolutionnaire ».

Le témoignage de Jacques Derrida contribue à rappeler l’atmosphère intellectuelle de l’époque, ses censures et ses refoulements [2]. Le poids du Parti communiste aurait alors fait écra nentre lui et le communisme : non membre du parti, “ j’étais paralysé, dit-il, parce que je ne voulais pas que les interrogations soient exploitées ” par un discours anticommuniste. A cette crainte, significative d’une époque, d’être pris à “ hurler avec les loups ”, à cette crainte souvent exploitées pour imposer silence et sommer le dissident en puissance de “ choisir son camp ”, s’ajoutait un effet d’intimidation théorique : “ J’étais paralysé devant quelque chose qui ressemblait à une sorte de théoricisme avec un T majuscule. ” Double paralysie donc, politique et intellectuelle.

Derrida la revendiquait à la lumière de controverses autour des Spectres de Marxcomme un geste politique faisant sens par défaut : “ A tort ou à raison, par conviction politique, mais probablement aussi par intimidation, je me suis toujours abstenu de critiquer le marxisme de front ” : “ Il y avait une telle guerre, tellement de manœuvres d’intimidation, une telle lutte pour l’hégémonie ”, que le spectre de la trahison hantait institutions et controverses. Dans ce climat quelque peu terroriste, “ je me sentais intimidé, je n’étais pas à l’aise » : « J’étais anti-stalinien. J’avais déjà une image du Parti communiste et de l’Union soviétique incompatible avec la gauche démocratique à laquelle j’ai toujours voulu demeurer fidèle. Mais je ne voulais pas exprimer des objections politiques qui auraient pu être confondues avec quelque réticence conservatrice. ”

Cette retenue tourne autour de la figure paternelle de Louis Althusser et de l’influence hégémonique du Parti. Phénomène difficile à imaginer aujourd’hui, il était difficile de ne pas rejoindre le Parti, rappelle Derrida. Après l’intervention soviétique en Hongrie, certains, et non des moindres, l’ont certes quitté, mais “ Althusser ne l’a pas fait et je pense qu’il ne l’aurait jamais fait. ” [3] Il est regrettable que la paralysie et l’intimidation aient alors réduit les réserves au silence, à l’exception notable de son soutien militant à la dissidence tchécoslovaque. Leur expression publique par un philosophe dont le prestige allait croissant aurait pu modifier les termes d’un débat passablement obscur. D’autant que les résistances qui tenaient Derrida à l’écart du parti n’étaient pas purement discursives ou théoriques : “ Elles étaient aussi politiques ”. En ce sens, ironisait-il trente ans après, “ je me sens plus marxiste qu’eux ”. Non sans raison, si la débâcle du parti lui apparut, comme il l’affirme, prévisible dès les années soixante : “ Personnellement, je voyais déjà le Parti pris dans une logique suicidaire ”. Il reste que la publication en 1993 de Spectres de Marx, puis celle l’année suivante de la Misère du monde de Pierre Bourdieu, marquent un coup d’arrêt à la rhétorique libérale triomphante, annoncent la renaissance des résistances sociales, et contribuent à modifier le paysage de la décennie. Il reste dans les nombreuses interventions de Derrida sur Marx et le marxisme, de nombreuses zones d’ombre sur la lutte des classes ou la notion d’Internationale sans internationale. Mais c’était là l’objet d’une discussion amicale, voire affectueuse (voir entre autres Sur Parole, éditions de l’Aube, 1999, ou Marx en Jeu, Descartes et Cie, 1997)

ll revient ensuite sur la question cruciale de la lutte des classes, récusant les reproches d’Ahmad comme « une sérieuse incompréhension » de ce qu’il a pu dire ou écrire. Derrida rappelle qu’il aurait seulement déclaré que toute phrase où le terme de classe apparaît est problématique, et que problématique ne signifie ni irréel ni insensé. Qu’un concept soit devenu problématique ne signifierait donc pas qu’il soit insignifiant ou dépassé, mais susceptible de transformation [mais en fut-il jamais autrement de ce concept de classe sur lequel s’interrompt sans conclure le dernier livre du Capital ?]. « Je crois en gros à l’existence des classes sociales », précise Derrida, mais il n’est pas sûr que le concept « tel qu’il a été reçu en héritage soit un instrument efficace à moins d’être considérablement différencié ». Ce simple constat appellerait à lui seul une discussion approfondie. Comment et par qui ce concept a-t-il été reçu en héritage ? Et quel usage en fut fait par ses propriétaires autoproclamés ? Derrida est trop conscient de la « problématicité » de la notion même d’héritage pour ne pas savoir que sa phrase apparemment anodine, autant qu’une question conceptuelle, soulève une vaste question historique et stratégique.

Répondant enfin à la contribution de Fredric Jameson, Derrida revient sur sa distinction entre le messianique le messianisme. Il rappelle avoir abordé en plusieurs occasions le concept de révolution, car la « messianicité » sans Messie serait inconcevable sans référence à ce concept. Mais il refuse de choisir entre « deux allégories, Réforme et Révolution » [le rejet de ces hypostases ne résout pas pour autant la question stratégique qui leur est sous-jacente]. Il insiste plutôt sur les « moments révolutionnaires » qui interrompent non seulement l’état de simple conservation, mais aussi le processus dynamique des réformes (p. 242). Résolument optimiste selon lui, la notion de messianicité n’incline alors ni à la rumination du passé ni à la passivité. Elle s’oppose même à celle d’utopie, avec laquelle Jameson tend à la confondre : « Je récuserais fermement les termes d’esthétique et d’utopie pour caractériser mon travail » (p. 247) La messianicité n’a en effet rien d’utopique, dans la mesure où « elle se réfère à un événement éminemment réel et concret ». Elle a affaire à l’urgence et donne mandat d’interrompre le cours ordinaire des des choses. Rien de plus réaliste et concret.

Pour conclure, Derrida assume la formule intentionnellement péjorative d’Eagleton d’un « marxisme sans marxisme », en précisant cependant que ce without ne désigne pas nécessairement la négativité. Aussi se déclare-t-il réceptif aux objections de Macherey, selon lesquelles un Marx sans classes sociales, sans exploitation, ni plus-value, ne serait plus que l’ombre - ou le fantôme - de lui-même. Un fantôme n’est pas rien, réplique spirituellement Derrida. En effet. Mais la question essentielle ne porte alors ni sur Marx, ni sur ses spectres, mais sur la légitimité du génitif, par delà ses ambivalences : en quoi s’agit-il bien des spectres de Marx, et non de fantômes indéterminés, errants, ayant rompu tout lien avec ce corps historique dont ils se sont évadés.

L’univers de Derrida est hanté de messies et de spectres, de taupes revenantes ou surgissantes, qui répondent à l’attente impatiente d’une apparition. Dans « l’ouverture messianique à ce qui vient », leur venue assouvit une soif de justice et accomplit une promesse d’émancipation. Elle est la manifestation d’un « messianique sans messianisme ». Apparaît ainsi ce « concept étrange » du messianique - ou de la « messianicité » [4]. Il signifie l’indestructibililté ou l’indéconstructibilité de l’idée de justice, et renvoie à l’expérience toujours recommencée de la promesse : « L’appel messianique appartient en propre à une structure universelle, à ce mouvement irréductible de l’ouverture historique à l’avenir [5]. »

A la différence du messianisme théologique, ce messianique se présente non comme une catégorie religieuse, mais comme la structure profane d’une expérience historique. Sous sa forme révolutionnaire, il évoque l’urgence et l’imminence, mais aussi - « paradoxe irréductible » - « une attente sans horizon d’attente ». A l’opposé de toute effusion romantique, Derrida insiste sur « la sécheresse quasi athée » de ce messianisme sans messie, conçu comme un travail de laïcisation, tremblant « au bord de l’événement ». Contrairement au commentaire pourtant subtil de Fredric Jameson sur les Spectres de Marx, qui confond diverses formes de millénarisme, ce messianique se distingue radicalement de toute positivité utopique. Pour Jameson, le messianisme reste une variété singulière d’espérance qui « fleurit dans les périodes de désespérance absolue », comme après l’apostasie de Sabbataï Tsevi, ou dans les années quatre-vingt, après l’obscurcissement des attentes révolutionnaires [6].

Il n’y a pourtant, souligne Derrida, rien de plus éloigné de l’utopie que la messianicité ou la spectralité : « Alors que Jameson s’obstine à traduire ce que je dis du messianisme en utopisme », la messianicité est « tout, sauf utopique ; elle se réfère, dans chaque ici et maintenant, à la venue d’un événement éminemment réel et concret ; rien de plus “réaliste” et “immédiat” que cette appréhension messianique [7]. »

« Aucunement utopique, conclut Derrida, la messianicité nous intime d’interrompre le cours ordinaire des choses, ici et maintenant. »

Distincte du messianisme religieux, elle n’en soulève pas moins la vaste et inéluctable question de la religion qu’on ne saurait, aujourd’hui moins que jamais, éluder sans quelque impardonnable frivolité : « Tout ce que je range dans la rubrique du messianique sans messianisme est inconcevable sans la référence aux mouvements révolutionnaires qui interrompent non seulement les états de conservation, mais aussi les processus de réforme [8]. » Résolument optimiste, cette notion de messianicité ne relève aucunement de la nostalgie d’un passé perdu, pas plus qu’elle ne manifeste une passivité résignée devant les menaces du futur.

... Pourquoi conserver malgré tout, au risque de fâcheux malentendus, cette notion de messianique et de Messie ? C’est que l’événement majeur, qui a nom « Marx », est apparu dans une culture et dans une tradition où le Messie signifie quelque chose dont on ne saurait se défaire à bon compte. Quoi que l’on fasse, cette histoire unique a eu lieu : « Une promesse messianique d’un type nouveau aura imprimé une marque inaugurale dans l’histoire. » Aussi, gardons-nous « une dette ineffable et insolvable envers l’un des esprits qui se sont inscrits dans la mémoire historique sous les noms propres de Marx et du marxisme [9]. »

...« Tout commence par l’apparition du spectre. » Tout ? Le Manifeste communiste, où le spectre se manifeste dès la première ligne. Il hante alors l’Europe. A la fois figure inquiétante et promesse d’émancipation, il finira bien par hanter le monde enchanté de la marchandise triomphante. Nos temps de désordre et de dérèglements sont gros, à nouveau, d’apparitions spectrales.

Mais l’ambivalence du spectre est telle qu’on ne sait jamais très bien, de façon certaine, « s’il témoigne en revenant d’un vivant passé ou d’un vivant futur ». Des deux, sans doute, rassemblés au cœur du présent. Le communisme s’annonce ainsi simultanément comme délivrance d’un passé captif et comme éclosion d’une irréductible nouveauté, comme restauration et comme révolution. « Plus l’époque est à la crise, et plus on a besoin de convoquer l’ancien [10]. » A cet égard, « le communisme a toujours été et demeure spectral ; il reste toujours à venir. » LeManifeste communiste est la forme performative de l’appel à sa venue.

A la venue de ce spectre qui, obstinément, nous hante. Cette hantise intempestive « ne se date jamais selon l’ordre institué du calendrier ». Elle a ses caprices, ses inconstances et ses éclipses, ses impromptus et ses surprises. Car il ne faut pas confondre l’esprit et le spectre. Ni opposer, comme on le fait parfois, l’esprit (frappeur) de la révolution et son spectre évanescent. Le spectre est un intermédiaire, un esprit qui se manifeste, « un devenir-corps de l’esprit » : « Le corps n’est pas seulement l’apparition charnelle de l’esprit, sa vie déchue et coupable, c’est aussi l’attente impatiente et nostalgique d’une rédemption », « l’esprit libéré » ou « la promesse et le calcul d’un rachat » [11]. C’est pourquoi, s’il existe quelque chose comme un « esprit du capitalisme », esprit, nouveau ou ancien, d’un monde sans esprit, il doit bien exister aussi un esprit du communisme qui le suit comme son ombre et qui le hante comme son double. C’est en quoi le spectre est de mèche avec le messie.

... il y a de plus en plus de jours où il devient difficile de choisir son camp et de plus en plus de circonstances où l’on est obligé de se battre sur plusieurs fronts. Mais, « au moment où un nouveau désordre mondial tente d’installer son néo-capitalisme, nulle dénégation ne peut venir à bout de tous les fantômes de Marx. »

Si « hanter ne veut pas dire être présent », en quoi peut bien consister la présence d’un spectre ? Pour parler de spectres, « le langage de l’ontologie ne suffit pas », constate Derrida. Marx lui-même n’aimait guère les fantômes. Pourtant, par la simple ruse d’un génitif, les « spectres de Marx » sont ceux qui le hantaient et ceux de sa propre spectralité : « Par saccades régulières, elle fait alterner la conjuration et l’abjuration des spectres. Ils sont tour à tour convoqués à une conjuration positive, puis, « la chose faite », révoqués et oubliés. Comme les apparitions messianiques, les spectres se faufilent dans « la non-contemporanéité à soi du présent vivant », dans les lézardes et les failles de ce qui, secrètement, le désajuste, dans le « maintenant désajusté qui risque toujours de ne rien maintenir ensemble ». Ainsi, l’hétérogénité irréductible des « trois paroles de Marx » attestent-elles, écrit Maurice Blanchot, que « le monde a plus d’un âge » et que « la mesure de la mesure nous manque ».

Parmi les réserves envers la pensée althussérienne qui l’auraient tenu à l’écart de l’engagement communiste, Derrida indique les nombreuses questions lui paraissaient alors escamotées, « notamment celles concernant l’historicité de l’histoire ou le concept de l’histoire » : « Je trouvais qu’Althusser soustrayait trop rapidement certaines choses à l’histoire, par exemple en affirmant que l’idéologie n’a pas d’histoire. Je n’entendais pas renoncer à l’histoire. La destruction du concept métaphysique d’histoire ne signifie pas pour moi qu’il n’y a pas d’histoire [12]. » Pour Derrida, le concept d’idéologie et le partage entre science et idéologie ont une histoire. C’est dans cette trame du temps historique que la question de l’événement s’associe à celle du fantôme : « Une logique du fantôme fait signe vers une pensée de l’événement », alors que, selon les propres termes de Marx, une « histoire sans événement » (Geschichte ohne Ereignisse) se réduit aux vérités sans passion et aux passions sans vérité de héros sans héroïsme : « Ce qui interrompt l’ordre du temps, ce qu’on appelle révolution, cette césure qui vient tout d’un coup déranger l’ordre du temps », c’est elle qui donne le tempo et le ton de l’histoire, ce qui fait l’historicité même, dans un jeu d’apparitions et de disparitions messianiques. Mais, « quand un événement arrive, c’est le fond sur lequel il se détache qui n’est plus là ».

« L’absence d’horizon » est donc la condition paradoxale de l’événement. Cette absence fait peur, sans doute. Mais c’est la condition pour que « quelque chose d’inouï arrive ». L’indécidable est en effet « la condition de la décision, de l’événement » [13].

... Dans Althusserian’s Legacy, il récuse cependant le reproche d’ignorance ou de méconnaissance qui lui fut souvent adressé : « J’ai vraiment lu Marx, pas assez ; je ne l’ai pas assez lu ». Circonstance atténuante, cette lacune participerait d’une carence amplement partagée : « On ne lit jamais assez Marx [14]. » Rappelant qu’il anima des séminaires sur Marx et l’idéologie dès 1976, Derrida affirme en 1989 : « Aujourd’hui qu’en France toute référence à Marx est prohibée, immédiatement cataloguée, j’ai envie d’enseigner Marx et je le ferai si je le peux. » Parole tenue, à sa manière, avec les Spectres de Marx.

Dans Friendship and Politics, il déclare son intention d’en appeler à une nouvelle lecture de Marx, « ambition plus grande que celle de nombreux marxistes ». Son discours ne se proclame pourtant jamais marxiste, au sens où il n’est pas dominé par une référence au marxisme, mais « il n’est pas non plus étranger au marxisme, ni anti-marxiste : il n’est pas, par principe, incompatible avec l’événement Marx [15]. » Derrida affirme qu’aller au-delà des catégories du marxisme « classique » ou « orthodoxe » serait une injonction inhérente à la théorie de Mars, « car je n’ai jamais attaqué la radicalité de la critique marxiste en tant que telle ». Le litige concerne spécifiquement un certain marxisme, inspiré de ce qu’il appelle une « onto-théologie », à laquelle Benjamin lui-même, en dépit de son hétérodoxie sulfureuse, n’aurait pas complètement échappé. A la différence d’Althusser, Derrida estime donc « qu’on ne peut éradiquer l’onto-théologie présente chez Marx ». C’est ce qui le tiendrait encore à distance de toute variante du marxisme.

Il n’en demeure pas moins que « ce sera toujours une faute de ne pas lire et relire, et discuter Marx », que ce sera même « de plus en plus une faute, un manquement à la responsabilité théorique, philosophique, et politique ». Après la chute du Mur de Berlin et la disparition de l’Union soviétique, « nous n’avons plus d’excuse ». En quoi la réaction stalinienne et les caricatures du « socialisme réel » auraient-ils donc justifié ou excusé une coexistence polie avec un marxisme bureaucratisé mué en raison d’Etat ? En quoi auraient-ils jamais pu justifier de renoncer, fût-ce temporairement, d’en appeler à Marx contre ses « ismes » ? Il était, au contraire, d’autant plus impératif d’attiser les braises de son « courant chaud » contre les cendres de son « courant froid ».

La désintégration du monde érigé en son nom libèrerait Marx des catéchismes qui le tenaient captif ? Une autre menace apparaît alors : « C’est qu’on risque de jouer Marx contre le marxisme afin de neutraliser ou d’assourdir l’impératif politique dans l’exégèse tranquille d’une œuvre classée. » On sent déjà, diagnostiquait lucidement Derrida dès 1993, venir une mode et une coquetterie, « une tentative de dépolitiser en profondeur la référence marxiste ». Marx décrété mort et bien mort, on voudrait pouvoir rendre à l’occasion un hommage au philosophe malencontreusement égaré dans la politique, à condition toutefois de ne pas être dérangé par des marxistes anachroniques ; car, « si l’on n’a peut-être plus peur des marxistes, on a encore peur de certains non-marxistes qui n’ont pas renoncé à l’héritage de Marx. »

Selon Derrida, ce qu’il appelle marxisme est structurellement insuffisant mais toujours nécessaire, « pourvu qu’on le transforme et le plie à l’analyse des articulations nouvelles des causalités techno-économiques et des fantômes religieux » : « Il faudrait avoir bien mal entendu pour reconnaître dans le geste que nous risquons ici un ralliement tardif au marxisme. » Pourquoi ce geste d’ouverture sans ralliement vient-il si tard ? « Je crois à la vertu politique du contretemps », répond-il. Certes. Mais, à l’époque des statuaires bureaucratiques et de leurs regards de pierre, la fidélité à l’esprit frondeur de Marx, était une autre forme de contretemps, tout aussi vertueuse et non moins nécessaire.

« Ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas marxiste ? », précise Derrida. Douteuse certitude, qui présuppose que l’on sache ce qu’être marxiste peut bien vouloir dire au terme d’un siècle d’obscur. Il y eut, il y a, tant de façon d’être et de ne pas être ! La dénégation de Derrida s’éclaire, cependant, lorsqu’elle se retourne en contre-attaque envers la prétention d’héritiers autoproclamés à une propriété exclusive : « A quoi reconnaît-on un énoncé marxiste ? Qui peut encore dire : je suis marxiste ? ». Mot équivoque en effet, d’avoir trop et trop mal servi. Il s’agirait, plus humblement, de s’inspirer d’un certain esprit du marxisme qui imprègne (qui hante ?) l’époque. Puisque, « qu’ils le veuillent, le sachent, ou non, tous les hommes sur la terre entière sont aujourd’hui, dans une certaine mesure, les héritiers de Marx et du marxisme. »

Marx, patrimoine de l’humanité ? Héritage partagé, sans héritiers désignés, sans propriétaires ni mode d’emploi. Il reste que « cette tentative unique a eu lieu » et que « cette promesse messianique d’un type nouveau est apparue ». Que « la déconstruction n’a jamais eu de sens et d’intérêt, à nos yeux du moins, que comme une radicalisation, c’est-à-dire dans la tradition d’un certain marxisme et d’un certain esprit du marxisme [16]. » . Cet éclaircissement ne revendique aucun droit de succession. Il vaut cependant reconnaissance de dette (messianique). C’est encore une manière paradoxale - une bonne manière - d’hériter : « On ne peut souhaiter un héritier ou une héritière qui n’invente par l’héritage, qui ne le porte pas ailleurs, dans la fidélité, dans une fidélité infidèle [17]. »

Fidèle infidélité ? Infidèle fidélité ? L’héritage n’est pas une propriété, une richesse acquise, que l’on met en banque pour faire des intérêts et des dividendes, mais « une affirmation active, sélective, qui peut parfois être réanimée et réaffirmée plus par des héritiers illégitimes que par des héritiers légitimes ». Tout dépend de ce qu’ils en feront. L’authenticité de leur engagement passe nécessairement par cette épineuse question de savoir que faire de l’héritage.

« Transmission et relance », répond Derrida. La transmission suppose un inventaire, et la fidélité que l’on sache à quoi rester fidèle. C’est pourquoi, à la différence des fétiches tyranniques du capital, son spectre du communisme paraît si évanescent aux yeux de Toni Negri. Dans sa réponse aux interpellations, lors du symposium qui lui fut consacré à Londres, Derrida défend ses approximations tout en croisant fermement le fer contre les contradicteurs qui cherchent à l’entraîner sur le terrain de l’orthodoxie. La question de la lutte des classes est sur ce point parfaitement révélatrice.

Dans un entretien de 1989 avec Michael Spinker, le philosophe de la déconstruction décrète le concept de lutte des classes ruiné par la modernité capitaliste. Il appartiendrait à un modèle sociologique obsolète, hérité du XIXe siècle : « Ainsi, toute phrase dans laquelle apparaissait le terme classe sociale m’était problématique. » Derrida précise que l’analyse des conflits entre forces sociales, auquel renvoie le concept de lutte des classes, reste « encore absolument indispensable ». Mais il n’est pas sûr « que le concept de classe, tel que nous en avons hérité soit le meilleur instrument, à moins d’être considérablement spécifié » : « Je ne sais pas vraiment ce que classe sociale veut dire [18]. »

Le doute, à propos d’un concept faussement évident et de son usage, est d’autant plus légitime que son statut demeure incertain dans la logique de Marx lui-même et que l’évolution des connaissances comparatives, en histoire et en anthropologie, ont considérablement enrichi depuis l’étude des formations sociales et des groupements sociaux. Il n’en est pas moins étonnant d’entendre Derrida, généralement circonspect sur les questions de transmission et d’héritage, prendre ici le concept « tel que nous en avons hérité », au lieu de le problématiser à partir des interprétations multiples et contradictoires dont il a pu faire l’objet à l’épreuve des sociétés bureaucratiques.

Derrida fut interpellé dix ans plus tard, sur cette même question par plusieurs intervenants lors du séminaire sur le thème « Wither Marxism », organisé par l’université de Califormie autour des Spectres de Marx. Fredric Jameson lui concède que l’abandon du concept de classes sociales correspond à l’évolution de la politique contemporaine, mais il objecte que, renoncer purement et simplement à une catégorie aussi féconde, constituerait une erreur dramatique. Plus agressif, Tom Lewis estime que la lutte des classes constitue précisément la colonne absente des Spectres de Marx : de même que la production matérielle ne jouerait plus un rôle central dans le capitalisme contemporain, la disparition des classes serait caractéristique des discours de la post-modernité. Quant à Aijaz Ahmad, il critique, plus frontalement, « le refus par Derrida d’une politique de classe ».

Derrida récuse dans sa réponse toute assimilation de sa « déconstruction » aux notions « attrape-tout » (selon son propre terme) de post-modernisme ou de post-structuralisme : « Je ne me considère ni comme un post-moderniste, ni comme un post-structuraliste », et « je n’ai jamais prophétisé la fin de tous les méta-récits. » La caractérisation de sa pensée comme post-moderne constitue à ses yeux « une grossière erreur ». C’est pourquoi, à Tom Lewis qui interprète les Spectres de Marxcomme une tentative de réconcilier le marxisme avec la déconstruction, il réplique qu’il n’a pas, pour sa part, à être réconcilié, ne s’étant jamais brouillé.

Il rappelle que les propos incriminés par ses contradicteurs qualifient seulement le concept de classes sociales de « problématique ». Ce terme « ne signifie ni faux, ni obsolète, ni inopérant ou insignifiant, mais plutôt susceptible de transformation » [19]. Il précise enfin l’idée exprimée dans les Spectres de Marx : « Je crois en gros à l’existence des classes », mais le concept est « trop vague ». Serait problématique le caractère trop peu travaillé et différencié du concept véhiculé par l’orthodoxie dominante. « Quand je dis que la solidarité et les alliances ne dépendent pas finalement, “en dernière instance”, d’une affiliation de classe », insiste-t-il, « cela ne signifie pas pour moi leur disparition ou l’atténuation de leur lutte ». C’est une incitation à « repolitiser les situations singulières au lieu de dissoudre leur singularité dans leur détermination par une essence ou une substance sociale. »

Cette proposition pertinente fait écho aux préoccupations du « marxisme politique » anglo-saxon, en lutte contre le déterminisme économique de la dernière instance et contre les lois mécaniques de l’histoire. On ne peut cependant s’empêcher d’y voir une justification et une correction par rapport à l’entretien de 1989. A partir de la problématicité reconnue du concept de lutte de classes, il eut été cohérent, de le travailler plutôt que de le laisser en jachère au point de paraître l’abandonner. Mais les imprécisions sur ce point sont significatives d’un rapport lui-même « problématique » à l’héritage de Marx.

Comment comprendre aujourd’hui les réactions extrêmes, favorables ou hostiles, suscitées au moment de leur publication, en 1965 et 1966, par les textes de Pour Marxou de Lire le Capital ? Le témoignage de Jacques Derrida contribue à rappeler l’atmosphère intellectuelle de l’époque, ses censures et ses refoulements [20]. Le poids du Parti communiste et la personnalité d’Althusser auraient fait écran, dans les années soixante, entre lui et le communisme : non membre du parti, “ j’étais paralysé, dit-il, parce que je ne voulais pas que les interrogations soient exploitées ” par un discours anticommuniste. A cette crainte, significative d’une époque, d’être pris à “ hurler avec les loups ”, à cette crainte souvent exploitées pour imposer silence et sommer le dissident en puissance de “ choisir son camp ”, s’ajoutait un effet d’intimidation théorique : “ J’étais paralysé devant quelque chose qui ressemblait à une sorte de théoricisme avec un T majuscule. ”

Double paralysie donc, politique et intellectuelle.

Derrida la revendique aujourd’hui comme un geste politique qui faisait sens par défaut : “ A tort ou à raison, par conviction politique, mais probablement aussi par intimidation, je me suis toujours abstenu de critiquer le marxisme de front ” : “ Il y avait une telle guerre, tellement de manœuvres d’intimidation, une telle lutte pour l’hégémonie ”, que le spectre de la trahison hantait institutions et controverses. Dans ce climat quelque peu terroriste, “ je me sentais intimidé, je n’étais pas à l’aise » : « J’étais anti-stalinien. J’avais déjà une image du Parti communiste et de l’Union soviétique incompatible avec la gauche démocratique à laquelle j’ai toujours voulu demeurer fidèle. Mais je ne voulais pas exprimer des objections politiques qui auraient pu être confondues avec quelque réticence conservatrice. ”

Cette retenue tourne autour de la figure paternelle de Louis Althusser et de l’influence hégémonique du Parti sur le sanctuaire intellectuel de la rue d’Ulm. Phénomène difficile à imaginer aujourd’hui, il était difficile de ne pas rejoindre le Parti, rappelle Derrida. Après l’intervention soviétique en Hongrie, certains, et non des moindres, l’ont certes quitté, mais “ Althusser ne l’a pas fait et je pense qu’il ne l’aurait jamais fait. [21] ” S’il y a une chose qu’il n’aurait probablement jamais pu faire, c’est de quitter le parti. Or, s’il était soupçonné d’hérésie par l’appareil, le discours althussérien faisait encore autorité dans les cercles frondeurs de l’intelligentsia marxiste ou marxisante. Jusqu’en 1968, “ je percevais ce discours non comme ostracisé, mais comme hégémonique au sein du parti ”, témoigne encore Derrida.

Les réticences silencieuses de l’auteur des Spectres de Marx portaient alors sur la notion de « coupure épistémologique », dont on prétendit faire une frontière entre un Marx idéologue pré-marxiste et un Marx scientifique, enfin devenu lui-même. Cette thèse des deux Marx ne l’a jamais convaincu. Le concept de science n’était pas à ses yeux le dernier mot permettant d’échapper à l’hétérogénéité de Marx et à la polysémie de sa pensée. En dépit de son raffinement, le discours d’Althusser et de ses disciples lui apparaissait comme un “ nouveau scientisme ” ou “ un nouveau positivisme ”, Des questions aussi décisives que “ qu’est-ce qu’un objet ? ”, s’en trouvaient impitoyablement censurées.

Parmi les réserves envers la pensée althussérienne, qui l’ont tenu à l’écart d’un engagement communiste, Derrida souligne aussi que de nombreuses questions lui paraissaient escamotées, “ notamment celles concernant l’historicité de l’histoire ou le concept d’histoire ” : “ Je trouvais qu’Althusser soustrayait trop rapidement certaines choses à l’histoire, par exemple en affirmant que l’idéologie n’a pas d’histoire. Je n’entendais pas renoncer à l’histoire. La destruction du concept métaphysique d’histoire ne signifie pas pour moi qu’il n’y a pas d’histoire. [22]” Il affirme au contraire, que le concept et le mot d’idéologie - par conséquent le partage entre science et idéologie - ont une histoire.

Il est regrettable que la paralysie et l’intimidation aient réduit ces réserves au silence. Leur expression publique par un philosophe dont le prestige allait croissant aurait, à l’époque, pu modifier les termes d’un débat passablement obscur. D’autant que les résistances qui tenaient Derrida à l’écart du parti n’étaient pas purement discursives ou théoriques : “ Elles étaient aussi politiques ”. En ce sens, ironise-t-il trente ans après, “ je me sens plus marxiste qu’eux ”. Non sans raison, si la débâcle du parti lui apparut, comme il l’affirme, prévisible dès les années soixante : “ Personnellement, je voyais déjà le Parti pris dans une logique suicidaire ”. Et “ le paradoxe de l’althussérisme, c’est qu’il prétendait en même temps transformer le parti et l’endurcir ”. De ce point de vue, le phénomène althussérien est un produit théorique singulier, “ très français ”, dont l’inspirateur se révéla plus suicidaire encore que son parti. De sorte tous deux furent les « grands perdant de 68 » [23].

Notes

* Marrano en espagnol est péjoratif : en gros « porc » Désigne les juifs convertis de force à partir de 1492 mais qui tout en pratiquant formellement la religion catholique continuaient à « judéiser » en secret. Double existence qui a duré des siècle et qui les a placés au carrefour entre le mythe du peuple élu et l’universalisme chrétien. D’où le phénomène Uriel da Costa, Spinoza, etc.

1. Jacques Derrida, « Politics and Friendship », in Althhusserian’s Legacy, Londres, Verso, 1989.

2. Jacques Derrida, « Friendship and Politics », in Althusserian Legacy, Verso, Londres, 1989.

3. Ibid, p. 199. 4. « Messianicity », écrit Derrida dans « Marx & Sons », in Ghostly Demarcations, Londres, Verso, 1999.

5. Spectres de Marx, op. cit. p. 266.

6. Fredric Jameson, in Ghostly Demarcations, op. cit., p. 62.

7. Ghostly Demarcations, op. cit., p. 248.

8. Ibid, p. 242. Derrida n’en récuse pas moins dans le même passage l’alternative abstraite entre les « allégories Réforme et Révolution ». Pour autant qu’il s’agisse d’allégories - c’est en effet souvent le cas - ce rejet est recevable. Mais il ne saurait faire l’économie d’une discussion stratégique à partir d’expériences historiques éminemment concrètes comme celle des fronts populaires ou du Chili de l’Unité populaire.

9. Jacques Derrida, Spectres de Marx, op. cit., p. 150.

10. Ibid., p. 178.

11. Ibid., p. 217.

12 Jacques Derrida, « Politics and Friendship », in Althhusserian’s Legacy, Londres, Verso, 1989.

13. Jacques Derrida, Marx en jeu, Descartes et Cie, Paris, 1998 ; Sur parole, Editions de l’Aube, La Tour d’Aigues, 1999.

14. Althusserian’s Legacy, op. cit., p. 195.

15. Ibid., p. 221.

16. Spectres de Marx, op. cit., p. 151

17. Marx en jeu, op. cit.

18. Althusserian ‘s Legacy, op. cit., p. 204.

19. Ghostly Demarcations, op. cit., p. 235.

20. Jacques Derrida, « Friendship and Politics », in Althusserian Legacy, Verso, Londres, 1989.

21. Ibid, p. 199.

22. Ibid., p. 193.

23. Ibid., p. 120.


BENSAÏD Daniel

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